Le Monde des Pyrénées

Intervention de FNE au Conseil National de la Montagne de 2001

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Conseil National de la Montagne
Clermont-Ferrand le 5 février 2001

Intervention de Marc Maillet au nom de France Nature Environnement - FNE

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs,

Deux points motivent mon intervention. Ils ont trait aux débats les plus animés traversant les comités de massifs, le conseil national de la montagne et l'opinion publique en général. Tous deux ont été abordés sans pour autant permettre à la France d'être à la hauteur de ses engagements, mais surtout d'être en mesure de justifier du développement durable, pourtant si développé à présent dans les discours.

Il s'agit des prétendus grands prédateurs d'une part, et de la prétendue solidarité en matière d'urbanisme d'autre part.

1-Pour ce qui concerne la présence et le retour des grands carnivores dans les montagnes françaises, il s'agit d'en percevoir l'enjeu et de ne pas être piégés par les efforts - certes émouvants - d'un certain clientélisme rural. De tous les débats - auxquels j'ai participé avec assiduité - je tire la conclusion que les refus exprimés de la cohabitation entre élevage et les grands carnivores tiennent essentiellement à la crise économique que traverse l'élevage de montagne et qui n'est pas prête de prendre fin même si les ours sont déportés et les loups tirés. Qu'on ait le courage de le dire et d'en tirer les conséquences! Je suis frappé à ce niveau du silence des représentants de la profession agricole. Il est plus simple de crier aux loups que d'envisager un autre type d'organisation pour faire face au marché mondial, et surtout pour envisager un autre type de développement.

Pour notre part, nous souhaitons et nous vous interrogeons pour que le gouvernement affiche ses intentions en matière de renforcement des populations d'ours en Pyrénées, en matière de protection du loup et des habitats de la grande faune. Il est grand temps que cesse la destruction des zones d'intérêts faunistiques et floristiques et que la France applique le programme NATURA 2000, dont les engagements ne sont pas tenus.

Pour l'élevage ovin, nous nous sommes prononcés pour que les diagnostics par estives soit un outil d'aide à l'investissement pour permettre le retour des bergers. Comment peut-on imaginer pérenniser cette activité et produire de la valeur ajoutée sans le gardiennage des troupeaux? Comment éviter les prédations, et la plus importante d'entre elles, celle des chiens errants, sans la présence de bergers?

Au lieu de nouvelles primes au handicap, au lieu de marchandages sur les indemnisations, le gouvernement et la profession ne peuvent-ils pas envisager des perspectives plus intéressantes en matière de contrats territoriaux d'exploitation, en matière de cahier des charges en zone d'habitat de la grande faune? Cela permettrait, en toute clarté, à la collectivité nationale d'assumer sa solidarité pour des métiers dont il faut bien reconnaître que les conditions de vie et que le niveau de revenus sont indécents au regard du niveau général.

Les expériences, soutenues par les associations de protection de la nature, en matière d'aide aux bergers pour mieux assurer ravitaillement et communication, en matière de gardiennage des troupeaux avec les chiens patous prouvent que la cohabitation élevage/grands carnivores est source de mobilisation avec des résultats très encourageants.

Le gouvernement doit organiser la poursuite du programme de réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. Après l'expérience menée avec succès du programme LIFE Ours en Pyrénées centrales - dont 50 % du financement ont été consacrés aux mesures d'accompagnement du pastoralisme, l'opinion pyrénéenne et française ne comprendrait pas que l'on revienne en arrière, elle l'a montré en signant des milliers de pétitions.

Le Plan Loup "de dispositif de soutien au pastoralisme et de gestion du loup" présente de nombreuses lacunes, tant du point de vue écologique que pour la promotion d'un pastoralisme de qualité. Il s'agit surtout d'abandonner le principe des zones d'exclusion qui constituent en fait un obstacle au retour du loup bien sûr, mais surtout est susceptible de créer mécontentement et rejet de la part des éleveurs ne bénéficiant d'aucune mesure d'accompagnement mais pouvant être confrontés à des prédations. La mise en place d'un protocole de tir dans les Alpes-Maritimes a démontré qu'il était aberrant de viser un loup particulier alors que le troupeau en cause, scindé en trois, stationnant dans la neige, ne bénéficiait pas de gardien permanent, ni de parc de nuit.

Les solutions à la cohabitation existent donc, elles nécessitent des engagements forts en matière de pastoralisme, mais aussi en matière de sensibilisation des publics au retour de la grande faune et à la gestion améliorée de la biodiversité des massifs montagnards. C'est là, Mmes et Messieurs les Ministres, où les associations comme France Nature Environnement vous demandent de réussir.

2- Pour ce qui concerne le débat sur la Loi Montagne et ses avatars dans la législation nouvelle sur l'urbanisme, je vous rappelle ce qui avait été dit lors du conseil national de la montagne, le 19 mars 1999, à Ax-les-Thermes. M. Besson et vous-mêmes M. le Premier Ministre aviez évoqué le toilettage de la Loi Montagne, et suscité alors mes plus vives inquiétudes.

Tout en admettant le retour des prescriptions particulières de massif - mais qui les avait fait disparaître de la loi? - je vous indiquais tous les risques d'un toilettage en matière de protection de la montagne, surtout de mitage des paysages et de pollution de sites vierges.

Fort de ce départ, un groupe de travail "loi Montagne" fut constitué au sein de la commission permanente du conseil national de la montagne sous la présidence de M. Didier Migaud. Il n'alla pas très loin. Le projet de loi dit "solidarité et renouvellement urbains" allait fort utilement remplacer tous les toilettages du monde et permettre, par voie d'amendements parlementaires ce qu'il faut bien qualifier de reniement des lois d'aménagement du territoire. Celles-ci, loi Montagne et loi Littoral, sont ravalées au rang de dispositions particulières aux zones littorales et aux zones de montagne!

Tout cela notre conseil n'a pas eu le loisir d'en discuter, et la prétendue solidarité urbaine est devenue l'exutoire de tous les lobbies attachés à bétonner sans entraves.

Sachant que le projet social de la loi SRU ne sera jamais appliqué et que, par contre plus de 100 articles de la loi remettent en cause des jurisprudences établies par l'action des associations et des citoyens, permettez-moi, M. le Premier Ministre, de vous faire part de notre totale réprobation sur la méthode choisie, celle d'un projet de loi détourné de ses objectifs et voté dans l'urgence, pour ne pas dire la précipitation électorale.

Cette loi est porteuse de toutes les dérives du libéralisme en matière d'urbanisme et d'occupation des sols, et tout particulièrement dans les zones stratégiques où la spéculation foncière est une donnée objective, comme dans nos zones touristiques de montagne.

En substituant aux plans d'occupation des sols, des documents moins contraignants sous forme de plans locaux d'urbanisme et de cartes communales, la porte est ouverte au laxisme en matière de protection des milieux naturels et des terres agricoles. La loi Gayssot a substitué à un document normatif (le POS) qui fixait des droits, un document de présentation d'un projet urbain (le PLU). Le fait même que les prescriptions qui étaient obligatoires pour les POS deviennent facultatives pour les PLU attestent du basculement. Les maires des communes de montagne pourront tout à la fois bénéficier du toilettage camouflé de la loi Montagne, notamment par les fameuses extensions limitées de l'urbanisation, mais surtout établir des documents et des prescriptions qui ne gêneront pas les porteurs de projets immobiliers.

Cette banalisation de l'urbanisme opérationnel va à l'encontre de l'intérêt général qui est aussi de protéger les milieux naturels remarquables et de donner une nouvelle chance à l'agriculture de montagne. Au moment où les services de l'état ne sont plus en mesure de synthétiser les données des plans d'occupation des sols - qui sont devenus les seuls enjeux des compétitions communales - quel pourra être le poids des interventions citoyennes dans l'élaboration des super plans d'aménagement de zones? Quelle pourra être la chance d'un développement équilibré face à la collusion des intérêts locaux aujourd'hui sublimés et favorisés par le cumul des mandats de maires et de parlementaires?

En abordant l'année 2002, qui doit être l'année internationale de la montagne pour un développement soutenable, je vous demande de rétablir la vraie solidarité en matière d'urbanisme, fondée sur un réel débat, permettant aux organisations citoyennes d'exercer leur contre-pouvoir, à la justice de se prononcer dans des délais rapides et de rétablir le bon sens en matière de protection des paysages et de la nature. Il en va de la crédibilité d'une politique responsable de l'aménagement du territoire qui doit permettre aux zones de montagne un développement respectueux de leurs atouts naturels, dont j'espère cette réunion a pu illustrer la qualité.

Merci de votre attention.